Page:Martel - La Côte d’Azur russe.djvu/29

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
15
INTRODUCTION

col de la Croix et défilé du Darial (roule militaire de Géorgie) au beau milieu du Caucase. Mais la seconde s’arrête à Otchemlchiry, un peu au delà de Soukhoum, et ne mène pas les véhicules jusqu’à Poti, à cause des difficultés de traversée du fleuve Ingur, des marais du Rion, etc. ; elle est péniblement longue (plus de 450 kilom.), en raison des innombrables contours et dépressions des débouchés de torrents ; et une petite calèche particulière de Novorossiisk à Soukhoum coûterait, pour son trajet d’une semaine, de.300 à 400 francs. La troisième, dont la grandeur est bien digne de sa célébrité, prend aussi deux à trois jours, coûte 200 francs en voiture privée, est très fatigante et mal vue en omnibus public, et se trouve fréquemment interrompue par les neiges en hiver. Si j’insiste sur ces détails, c’est pour bien faire comprendre l’absolue obligation de mettre à la disposition permanente du public et du commerce le mode de transport sûr, confortable, économique et continu, que peut seule constituer la voie ferrée de Novorossiisk à Poti : le terrain où elle se déroulerait ne présente point de difficultés importantes ; la traversée des grands fleuves, il est vrai, exigera des ponts coûteux ; mais les ingénieurs russes sont passés maîtres en l’art de ces constructions, qui ont produit des chefs-d’œuvre industriels sur les grandes artères fluviales de leur pays et de la Sibérie.

Le sort du littoral caucasien est donc inéluctablement subordonné à ce bouclement de la boucle à rails tout autour de la grande chaîne asiatico-européenne : il sera d’autant mieux assuré lorsque Novorossiisk sera, d’autre part, relié à la Crimée par le tronçon projeté d’Anapa, Taman, Iénikalé et Kertch, qui comporte un pont de plus de 2 kilomètres et demi sur le détroit de Kertch-Iénikalé. Un jour même il faudra songer à mener les trains par le Darial ; mais ce projet, moins urgent, serait d’une exécution considérablement plus difficile et plus coûteuse.

Le deuxième correctif à introduire dans l’état actuel de la région qui nous occupe est la suppression de la fièvre paludéenne : car la malaria existe, endémique, comme dans tous les pays d’Orient, sur les rivages de la mer Noire, où l’humidité entretient une exubérante végétation. Il y aurait enfantillage à nier cet état de choses : dans tous les travaux déjà exécutés ou en cours à Gagri, Sotchi, etc., on a dû construire des ambulances permanentes et spéciales pour les ouvriers atteints du fâcheux mal ; moi-même je me suis trouvé à maintes reprises incommodé par ses premiers symptômes, déroutés sans peine, je me hâte de l’ajouter, par le préventif et soigneux usage de la quinine. Bien heureusement la malaria de la côte pontique a déjà montré que sa ténacité n’égale point celle de la Corse, de la Sardaigne, des Maremmes, des marais Pontins : les différences de topographie, d’hydrographie, de climat, entre la campagne romaine et le littoral caucasique sont tout à fait en faveur de ce dernier. Partout où les terres concédées aux colons russes ont été défrichées, leurs forêts soigneusement nettoyées (mais non abattues), partout où le drainage et l’hygiène sont judicieusement conduits, la malaria a déjà complètement disparu le long de la Riviera russe, faisant ainsi des taches indemnes de fièvre parmi la bande de terrain restant à assainir. Car c’est une bande seulement du littoral qui est infectée, zone étroite, à cause de la faible largeur relative du sol plat et bas, allongé entre la mer et les premières terrasses montagneuses qui se haussent graduellement jusqu’aux 3, 000 mètres de la crête