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INTRODUCTION

« Et c’est là un gros obstacle aux progrès du pays ; de sourdes rivalités séparent ces races et empêchent toute sécurité, toute initiative, toute application durable des lois.

« Telle est cette « Riviera » de la Russie, à qui les Russes ont donne ce nom peut-être plus encore dans l’espoir de la voir ressembler un jour à son modèle que parce qu’elle lui ressemble effectivement[1]. »

La grande carte géologique officielle de Russie publiée en 1892, à l’échelle de 1/520,000e, marque en blanc, avec un point d’interrogation, comme une région inexplorée, tout le revers sud du Caucase occidental, depuis Novorossiisk jusqu’à Gagri[2].

Il est vrai que, postérieurement à cette date, les études faites sur place et les mémoires publiés par les professeurs et ingénieurs Lagorio, Konchin, Sergueïeff, Constanlinoff, etc., ont notablement comblé cette lacune géologique, mais plutôt par des travaux de détail que par des conclusions d’ensemble.

Il est certain aussi que la monographie préliminaire (citée ci-dessus) du Dr G. Radde et E. Kœnig, Das Ostufer der Pontus (le rivage oriental du Pont, Petermann’s Mittheilungen, supplément n° 112, Gotha, 1804, 120 p. et 2 cartes), constitue déjà un excellent aperçu géographique général de la contrée que j’ai eu à parcourir moi-même ; mais Radde, le plus grand naturaliste du Caucase, décédé en 1903, et à qui l’on doit notamment la création du magnifique Musée du Caucase, à Tiflis, a particulièrement donné ses soins à la botanique, la zoologie et la géographie économique.

Aussi je ne prétends point fournir, dans les pages qui vont suivre, une révélation intégrale d’un pays inconnu, mais simplement une mise au point générale, une condensation documentaire et, par places, un complément de ce qu’on en a dit jusqu’à présent : ceci constituait en somme un des objets de ma mission, l’idée du gouvernement russe ayant été avant tout, semble-t-il, d’avoir, sur la région à mettre en valeur, l’appréciation critique et le jugement impartial d’un étranger, que ses goûts et travaux personnels avaient quelque peu rompu à l’évaluation rationnelle des sites, monuments et curiosités scientifiques dignes de l’intérêt public. Le choix d’un Français, dont j’ai si inespérément bénéficié, s’explique aussi par ce fait que les remarquables travaux personnels et scientifiques de. M. Yermoloff lui ont fait conférer, en 1902, par l’Institut de France, le titre de membre correspondant de l’Académie des sciences de Paris.

Cependant le présent volume ne se montrera pas une pure et simple compilation, car il restait, même en 1903, dans la zone parcourue, suffisamment de points à éclaircir pour qu’une notable part de ce que j’aurai à en dire puisse, avec une grande variété de sujets, être considérée comme neuve et originale ; par exemple, ce qui concernera les mystérieux dolmens de Pchada et de Touapsé, — l’orographie générale du versant maritime du Caucase occidental, — les sources sulfureuses de Matsesta, — la coupe géologique de la vallée de la Mzimla, — la gorge rocheuse de l’Agouri, — le panorama du mont Okhoun, — la beauté pittoresque des massifs

  1. G. Robert, Tour du Monde (À Travers le monde), p. 85, 18 mars 1905.
  2. En 1883 on a commencé une carte géologique et générale (encore fort peu avancée) de la Russie d’Europe, à l’échelle du 420,000e en 154 feuilles avec texte. C’est la réfection totale de celle de Tschewkin, Murchison et Verneuil, datant de 1854.