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INTRODUCTION

absolue de Sotchi, aussi bien par sa position physique que par son adaptation mondaine.

Krasnaia-Poliana, un site de montagnes que rien ne surpasse en beauté parmi toutes les chaînes de l’Europe, fera, vers 500 ou 600 mètres d’altitude, à 40 kilomètres de la mer et à la base de cimes glacées dépassant 3,250 mètres, un Interlaken ou Grindelwald caucasien, savoureux aux touristes, aux ascensionnistes, aux convalescents ! En automne 1903, on y achevait la construction d’un pavillon de chasse impérial.

Novi-Athou, couvent célèbre, fréquenté par des milliers de pèlerins, possède de curieux travaux hydrauliques et d’admirables jardins et vergers.

Quant à Soukhoum, elle fut la première en date, bien avant même que l’on songeât à rien faire à Sotchi et Gagri ; son climat plus doux, qui admet le palmier et l’eucalyptus, lui assigne même le rôle de séjour d’hiver.

Poli, grand port de mer, exclusivement commercial.

Datoum, port de mer, avec de nombreuses villas dans la direction du nord et la station d’acclimatation Tchakwa (domaine de la famille impériale), centre de la culture du thé. Toutes ces stations seront décrites à leur place dans les pages qui vont suivre.

Spécialement appelé, en principe, pour l’étude particulière de l’hydrologie souterraine et des alimentations en eau potable, j’ai eu la surprise, en accostant silices rivages, d’y trouver non seulement toutes les beautés d’une nature splendidement neuve, mais encore un pays de 370 kilomètres de long sur 10 à 70 de largeur, dont nos géographies de l’Europe occidentale ne savaient en somme que peu de chose et ne parlaient qu’à grands renforts d’erreurs.

Voici trente ans d’ailleurs que l’alpiniste anglais Grove, redescendant, en 1874, par la vallée du Kodor, de la première escalade du plus haut sommet de l’Elbrouz, prophétisait en quelque sorte les révélations futures de cette région. Il faut reproduire intégralement le passage suivant de son petit volume justement réputé, le Caucase glacé : « Il est certain qu’une partie du Caucase encore inexplorée offre le plus haut intérêt. Nous avions vu un coin de cette région, et nous eussions voulu en voir davantage[1]. Sur le versant méridional de la chaîne, bornée à l’est par la rivière Ingur, est une grande étendue de pays magnifique, coupée de vallées, arrosée par de puissantes rivières et couverte d’une vaste forêt… On n’y trouve pas d’habitants… il y aurait sans doute quelque difficulté à explorer cette région ; il y aurait aussi le danger de la malaria ; mais l’on peut bien supporter quelques maux et courir quelques risques pour voir ces magnifiques vallées inexplorées de l’Abkhasie. Il semblerait donc que le Caucase occidental ne pourrait pas encore être considéré actuellement comme mis en ordre, arrangé et garni pour les voyageurs… Probablement pendant un certain temps encore, un voyage dans les vallées situées sous les grands pics présentera plus de nouveauté qu’un tour en Suisse ou au Tyrol. » C’est ce temps qui bientôt va être révolu, c’est ce prestigieux voyage que j’ai réalisé en 1903, c’est l’inconnu du Caucase occidental que le présent livre va dégager dans ses principales lignes.

  1. Trad. J. Leclercq, Paris, Quantin, in-12, 1881, p. 331.
    Le pays compte « parmi les plus beaux paysages que j’aie jamais vus ». (Dubois de Montbéreux.)