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la vie aux galères

salut le salut du roi. Pendant ce salut, les tambours appellent ou battent aux champs suivant le salut et les soldats fort propres sont arrangés à la bande des deux côtés de la galère, le fusil sur l’épaule. Et comme dans ces occasions on dresse les mâts, et souvent on met les rames, les pavillons de toutes couleurs et les banderoles, et que les grandes flammes rouges, et à fleurs de lys jaunes sans nombre, y sont pendues et déployées au vent, le tout ensemble fait un très beau coup d’œil. La guérite ou chambre de poupe, qui est faite en berceau, sans autre couverture qu’une forte toile cirée, est aussi, dans ces occasions de visites de distinction, couverte d’une banderole de velours cramoisi, où pend une riche frange d’or tout à l’entour. Joignez à cette magnificence les ornements en sculpture de la poupe, tous dorés jusqu’à fleur d’eau, les rames abaissées dans les bancs et élevées en dehors en forme d’ailes, toutes peintes de diverses couleurs. Une galère, ainsi parée de tous ses ornements, offre à la vue un spectacle qui frappe d’admiration ceux qui n’en voient que l’extérieur. Mais ceux qui portent leur imagination sur la misère de trois cents galériens qui composent la chiourme, rongés de vermine, le dos labouré de coups de corde, maigres et basanés par la rigueur des éléments et le manque de nourriture, enchaînés jour et nuit, et remis à la direction de trois cruels comites qui les traitent plus mal que les bêtes les plus viles ; ceux, dis-je, qui font ces considérations, diminuent infiniment leur admiration pour ce superbe extérieur. Les seigneurs et dames ayant parcouru la galère d’un bout à l’autre sur le coursier, reviennent à la poupe, s’asseyent sur des fauteuils, et le comite ayant reçu l’ordre du capitaine, commande l’exercice à la chiourme au son du sifflet. Au premier temps ou coup de sifflet, chacun ôte son bonnet de dessus la tête ; au second, la casaque ; au troisième, la chemise. On ne voit alors que des corps nus. Ensuite, on leur fait faire ce qu’on appelle en provençal la monine ou les singes. On les fait coucher tout à coup dans leurs bancs. Alors tous ces hommes se perdent à la vue. Après, on leur fait lever le doigt indice ; on ne voit