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les galères de dunkerque

la galère, douze rames de chaque côté, depuis l’arrière jusqu’au milieu ou centre de la galère, et d’un seul coup de sifflet ces deux quartiers se relèvent dans un instant. On ne commande aucune manœuvre soit de voile ou de rame à la voix, et tout s’y fait au son du sifflet, que l’équipage et la chiourme entendent parfaitement. C’est un langage qui s’apprend par le long et fréquent usage. Ce sont les comites qui commandent tout par le sifflet après en avoir reçu l’ordre du capitaine. Toutes les manœuvres et tout le travail qu’il faut faire se nomment par les différents tons du sifflet. Ceux qui n’y comprennent rien, pensent entendre des rossignols ramager.

Il n’est pas étonnant de voir les comites des galères si cruels et si impitoyables contre la chiourme. C’est leur métier, à quoi ils sont élevés de jeunesse, et ils ne sauraient faire naviguer leur galère autrement, mais de voir les capitaines et officiers majors, qui sont tous gens de famille et bien élevés, s’acharner à cette cruauté et commander continuellement aux comites de frapper sans miséricorde, c’est ce qui se passe et qui paraîtra inouï à mes lecteurs. Il n’y a, cependant, rien de si vrai. Pour en donner un exemple, lorsque nous prîmes devant la Tamise cette frégate anglaise nommée le Rossignol, comme la nuit approchait et qu’on craignait de n’arriver pas assez tôt à ladite frégate, on fit extraordinairement forcer la rame. Notre lieutenant ordonnant au comite de redoubler les coups de corde sur la chiourme et le comite lui disant, que, quoiqu’il fît de son mieux, il ne voyait pas de moyen que nous prissions cette frégate à cause de la nuit qui s’avançait, le lieutenant lui répondit que, s’il ne voyait pas cette frégate en notre pouvoir, il se pendrait plutôt lui-même à l’antenne de la galère. « Redouble tes coups, bourreau, dit-il, pour animer et intimider ces chiens-là. Fais comme j’ai souvent vu faire aux galères de Malte. Coupe le bras d’un de ces chiens pour te servir de bâton et pour en battre les autres. » Et ce barbare lieutenant voulait forcer le comite à mettre cette cruauté en exécution. Mais le comite, plus humain que lui, n’en voulut rien faire et une demi-heure