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II

Les Galères de Dunkerque.



A u mois de janvier 1702, M. de Lambertie nous vint voir et nous dit que la chaîne partirait le lendemain. Il pourrait encore nous exempter de la suivre, mais il avait à nous avertir que ce serait la dernière chaîne qui irait sur les galères de Dunkerque. Par la suite, toutes les autres iraient à Marseille, voyage de plus de trois cents lieues, qui serait d’autant plus rude et pénible pour nous que nous serions obligés de le faire à pied et la chaîne au cou. D’ailleurs, il faudrait qu’il allât en campagne au mois de mars et qu’il ne serait plus à portée de nous rendre service à Lille. Il nous conseillait donc de partir par la chaîne qui commençait, le lendemain, sa route pour Dunkerque. Cette chaîne était sous ses ordres jusqu’à cette ville, et il nous y ferait conduire avec distinction des autres galériens, en chariot et commodément pendant la route, qui n’était que d’environ douze lieues. Ces raisons nous firent accepter ce dernier parti. Ce seigneur nous tint parole, car au lieu de nous faire attacher avec vingt-cinq ou trente galériens, dont la chaîne était composée et qui marchaient à pied, il nous fit mettre en chariot et tous les soirs on nous faisait coucher dans un bon lit. L’exempt des archers, qui conduisait la chaîne, nous faisait manger à sa table, si bien qu’à Ypres, Furnes et autres lieux où nous passions, on croyait que nous étions des gens de grande considération, mais hélas ! ce bien-être n’était qu’une fumée qui disparut bientôt, car le troisième jour de notre départ de Lille, nous arrivâmes à Dunkerque, où on nous mit sur la galère l’Heureuse, commandée par le commandeur de la Pailletrie, qui était chef d’escadre des six galères qui étaient de ce port.