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une condamnation aux galères

nous avions passé et logé dans un cabaret de cette petite ville. Nous lui répondîmes que rien n’était plus facile que de le vérifier. Sur quoi il nous dit : « Prenez patience, mes enfants, j’espère que vous sortirez d’affaire. Demain je vous enverrai un homme de loi, qui vous portera une requête à signer. Signez-la et vous en verrez les effets. » Après quoi, il sortit, et depuis nous ne le vîmes plus qu’assis au rang de nos juges au Parlement.

Le lendemain de la visite du conseiller, l’homme de loi, dont il nous avait parlé, vint dans notre prison, et nous fit lire la requête qu’il avait dressée et que nous signâmes. Cette requête, adressée à nos juges en Parlement, portait en substance que, pour être de la religion réformée, nous n’étions pas sujets aux peines portées par l’ordonnance, qui défend à toute personne du royaume de sortir de France sans permission de la Cour et que nous offrions de faire preuve que nous ne sortions point du Royaume, puisque nous en étions déjà sortis et y étions rentrés ensuite, en passant par Couvin, ville du prince de Liège, où il y avait garnison hollandaise, mais que, n’ayant aucune envie de sortir du royaume, nous ne nous étions servis que du passage par ladite ville, ne pouvant aller de Rocroy à Marienbourg qu’en la traversant ; que si nous avions eu dessein de sortir de France, nous n’avions qu’à nous mettre sous la protection du gouverneur hollandais de Couvin qui nous aurait fait conduire sans difficulté par les terres de Liège jusqu’à Charleroi. Cette requête fut mise sur la table de la chambre criminelle du Parlement.

Deux jours après, trois huissiers du Parlement nous vinrent prendre pour nous y conduire, où étant, le président, nous montrant la requête, nous demanda si nous avions signé et présenté cet écrit. Nous répondîmes que oui et que nous priions la vénérable assemblée d’y avoir égard. Le président nous dit qu’ils avaient examiné ladite requête et qu’ils y avaient vu que nous offrions de faire preuve que nous avions passé par Couvin, mais qu’il ne suffisait pas de prouver cet article : que la preuve n’en était pas même nécessaire, puisqu’elle était toute faite et qu’il