notre homme que nous prenions pour le maître de la maison, mais c’était un sergent de la garde de la porte, avec un détachement de huit soldats, la baïonnette au bout du fusil, que nous trouvâmes dans la cour de ce logis. À leur tête était le perfide garde-chasse de Couvin. Ces soldats se saisirent de nous de manière qu’il nous fut impossible de nous échapper.
Nous fûmes conduits chez le gouverneur, nommé M. Pallier, qui nous demanda de quel pays nous étions, et où nous allions. Sur la première question, nous lui dîmes la vérité ; mais sur la seconde, nous la palliâmes, lui disant que nous étions des garçons perruquiers qui faisions notre tour de France et que notre dessein était d’aller à Philippeville, de là à Maubeuge, Valenciennes, Cambrai, etc., pour retourner dans notre patrie. Le gouverneur nous fit examiner par son valet de chambre qui était un peu perruquier et s’attacha par bonheur à mon compagnon qui l’était effectivement. Il fut convaincu que nous étions de cette profession. Le gouverneur nous demanda ensuite de quelle religion nous étions. Nous lui dîmes franchement que nous étions de la religion réformée, nous faisant un scrupule de conscience de déguiser la vérité sur cet article. Le gouverneur nous ayant demandé si nous avions l’intention de sortir du royaume, nous le niâmes. Après cet examen qui dura une bonne heure, le gouverneur ordonna au major de la place de nous conduire sûrement en prison, ce qu’il fit avec l’escorte qui nous avait arrêtés. Dans la distance du gouvernement à la prison, ce major, nommé M. de la Salle, me demanda s’il était vrai que nous étions de Bergerac. Je lui dis que c’était la vérité. « Je suis aussi né à une lieue de Bergerac », me dit-il, et m’ayant demandé mon nom de famille : « Bon Dieu ! s’écria-t-il, votre père est le meilleur de nos amis. Consolez-vous, ajouta-t-il, mes enfants, je vous retirerai de cette mauvaise affaire, et vous en serez quittes pour deux ou trois jours de prison. » En discourant ainsi, nous arrivâmes à la prison. Le garde-chasse pria le major de nous faire fouiller pour avoir sa curée, croyant que nous avions beaucoup d’argent. Mais