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les galères de marseille

maison venait d’être achevée et meublée et on n’y avait encore logé personne. Leurs Excellences trouvèrent à propos d’en faire la dédicace en nous y logeant. Ils nous y conduisirent donc et nous mîmes pied à terre dans une spacieuse cour. Tout le peuple s’y élança en foule. Ceux qui avaient leurs parents dans la troupe supplièrent Leurs Excellences de leur permettre de les amener chez eux, ce qui fut très volontiers accordé. M. Bousquet, l’un de nous, avait à Genève sa mère et ses deux sœurs, qui l’étaient venu réclamer. Comme il était mon intime ami, il pria Leurs Excellences de lui permettre de m’amener avec lui, ce qu’elles lui permirent sans aucune difficulté. À cet exemple, tous les bourgeois, hommes et femmes, s’écrièrent, demandant à Leurs Excellences d’avoir la même consolation de loger ces chers frères dans leurs maisons. Leurs Excellences ayant d’abord permis à quelques-uns d’en prendre, une sainte jalousie s’éleva entre les autres, qui murmuraient et se plaignaient, disant qu’on ne les regardait pas comme de bons et fidèles citoyens, si on leur refusait la même grâce, si bien qu’il fallut que Leurs Excellences nous abandonnassent tous à leur empressement, et il n’en resta aucun dans la Maison Française. Quant à moi, je ne fis pas grand séjour à Genève, et avec six de notre troupe, trouvant l’occasion d’une berline, qui avait apporté à Genève le résident du roi de Prusse et qui s’en retournait à vide, nous fîmes marché avec le cocher pour nous mener jusqu’à Francfort-sur-Mein. Messieurs de Genève eurent la bonté de payer notre voiture, et nous donnèrent de l’argent pour payer notre dépense.

Nous partîmes donc de Genève à nous sept, dans cette berline. Le grand avoyer de Berne, ayant eu avis que nous devions passer par cette ville, donna ordre à la porte qu’une berline avec sept personnes y arrivant, la sentinelle l’arrêterait et la dénoncerait au capitaine de la garde à qui ledit seigneur avoyer avait donné des ordres. Arrivé à la porte de la ville, notre cocher fut fort surpris de se voir arrêter par la sentinelle qui ayant appelé le capitaine de la garde, ce capitaine demanda en haut allemand que nous