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les galères de marseille

bets voudraient, fût-ce au fond de l’archipel. Il pria en même temps que quelqu’un de nous fût avec lui chez l’intendant pour lui en faire la déclaration, ce qui fut fait. L’intendant en parut encore fort content, ravi d’être débarrassé de cette affaire, car nous apprîmes qu’il avait dit aux missionnaires que sa tête ne tenait qu’à un filet de n’exécuter pas les ordres si précis du roi, et que si la reine d’Angleterre s’en plaignait, il passerait mal son temps. Il nous dit donc que nous pouvions faire état d’être délivrés incessamment. Mais les barbares missionnaires, toujours acharnés à nous persécuter et espérant encore quelque contre-ordre de la Cour, inventèrent une autre ruse. Ils dirent à l’intendant que la tartane du patron Jovas était trop petite pour contenir dans son fond de cale 136 hommes et qu’il faudrait en souffrir la plus grande partie sur le tillac, qu’alors nous serions maîtres de cette barque, que nous jetterions dans la mer le patron et ses mariniers, que nous naviguerions où bon nous semblerait et qu’ils ne pouvaient donner leur consentement à un si évident péril des corps et des âmes de ce patron et de ses mariniers, qu’en un mot, il fallait que nous fussions sur des bâtiments propres à nous enfermer dans le fond de cale.

Autre avis de ce contretemps au patron Jovas, qui n’en fut pas peu intrigué et indigné contre les barbets, vomissant contre eux mais en secret mille imprécations, mais cela n’aidait de rien. Il fallut chercher un autre moyen. Ce patron, toujours porté de plus en plus à venir à bout de nous porter en Italie, protesta que, quand il devrait n’y rien gagner et même y mettre du sien, il n’en aurait pas le démenti. Il nous laissa dans cette espérance pour aller penser à exécuter son entreprise. Le lendemain, il ne manqua pas de nous apporter la bonne nouvelle qu’il avait agi efficacement et ne croyait pas que les barbets eussent rien de plus à s’y opposer. C’était qu’à ses frais et risques il avait loué deux barques plus grandes que la sienne, lesquelles pourraient facilement contenir chacune 50 hommes dans leur fond de cale et que la sienne en contien-