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les galères de marseille

répandant dans tout le royaume, pervertiraient non seulement les nouveaux convertis, même les bons catholiques, qu’ils portèrent l’intendant à déclarer que c’était à condition de sortir sur-le-champ, par mer, hors du royaume pour n’y plus rentrer, sous peine d’être remis aux galères perpétuelles. C’était encore une maligne et fine politique ; car comment sortir par mer ? Il n’y avait pas de navire dans le port pour nous porter en Hollande ou en Angleterre. Nous n’avions pas le moyen d’en fréter un suffisant pour tant de gens, car cela aurait coûté une somme considérable que nous n’avions pas. C’était aussi ce que les missionnaires prévoyaient et qui leur semblait ne nous laisser aucune ressource.

C’est l’ordinaire que, quand on veut délivrer un galérien, on lui annonce quelques jours à l’avance. Un jour donc, les argousins des galères reçurent l’ordre de l’intendant de nous conduire, nous 136, à l’arsenal de Marseille, ce qui fut fait. Et l’intendant, nous ayant appelés chacun par nos noms, nous déclara que le roi nous accordait notre délivrance à la sollicitation de la reine d’Angleterre à condition de sortir du royaume par mer à nos frais. Nous représentâmes à l’intendant que cette condition nous était très onéreuse et même presque impossible à effectuer, n’ayant pas de quoi fréter des navires pour nous transporter. « Ce sont vos affaires, dit-il. Le roi ne veut pas dépenser un sou pour vous. — Cela étant, lui dîmes-nous, Monseigneur, ordonnez, s’il vous plaît, que nous puissions vaquer à chercher quelque voie pour sortir par mer — Cela est juste », dit-il. Et, sur-le-champ, il donna ordre aux argousins de nous laisser aller par tout le long du port avec un garde pour chercher un fret toutefois et quand nous le souhaiterions. Cependant les missionnaires, pour porter plus d’obstacles à notre délivrance, inventèrent un autre projet. Ce fut de nous faire déclarer à tous où nous voulions aller, et voici leur vue. Ils savaient que nous avions chacun nos parents ou nos habitudes hors du royaume, les uns en Hollande, les autres en Angleterre, d’autres en Suisse et ailleurs, et ils pensaient ainsi : Celui qui dira en Hollande,