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la vie aux galères

sion. Il faut que j’aille tout à l’heure avec eux chez le gouverneur. » Ce dialogue que nous entendions, nous mit la puce à l’oreille. Enfin, l’hôte entre dans notre chambre et nous demande fort civilement si nous avions parlé au gouverneur. Nous lui dîmes que nous n’avions pas cru que cela fût nécessaire pour loger seulement une nuit dans la ville. « Il m’en coûterait mille écus, nous dit-il, si le gouverneur savait que je vous eusse logés sans sa permission… Mais avez-vous un passeport pour entrer dans les villes frontières ? » Nous lui répondîmes fort hardiment que nous en étions munis, « Cela change l’affaire, dit-il ; mais cependant, il faut que vous veniez avec moi chez le gouverneur pour lui montrer vos passeports. » Nous lui répondîmes que nous étions las et fatigués, mais que le lendemain matin nous l’y suivrions très volontiers. Il en fut content. Nous achevâmes de souper et nous nous couchâmes tous deux dans un lit qui était fort bon, mais qui ne fut pourtant pas capable de nous inciter à dormir, tant l’inquiétude du prochain péril s’était saisie de nous. Nous nous levâmes promptement et descendîmes à la cuisine, où l’hôte et sa femme couchaient. Lorsqu’il nous vit de si grand matin dans sa cuisine, il nous demanda la raison de cette diligence. Nous lui dîmes qu’avant d’aller chez le gouverneur avec lui, nous voulions déjeuner afin qu’en sortant de chez le gouverneur, nous puissions poursuivre notre route. Il approuva notre dessein et ordonna à sa servante de mettre des saucisses sur le gril pendant qu’il se lèverait. Cette cuisine était à plain-pied de la porte de la rue, qui en était tout près. Ayant aperçu que la servante avait ouvert la porte de la rue, l’hôte ne se méfiant de rien, nous sortîmes de ce fatal cabaret sans dire adieu ni payer notre écot, car il nous était absolument nécessaire de faire cette petite friponnerie. Étant dans la rue, nous trouvâmes un petit garçon, à qui nous demandâmes le chemin de la porte de Charleville, qui était celle par où nous devions sortir. Nous en étions fort près, et comme on ouvrait cette porte, nous en sortîmes sans aucun obstacle. Nous entrâmes dans Charleville, petite ville sans garnison ni