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III

Les Galères de Marseille.



C e fut le 17 novembre 1712, sur les trois heures de l’après-midi, que nous arrivâmes à Paris. Nous descendîmes devant le château de la Tournelle, qui était autrefois une maison de plaisance de nos rois, et qui sert présentement de lieu d’entrepôt aux malheureux condamnés aux galères pour toute sorte de crimes. On nous fit entrer dans le vaste, mais lugubre cachot de la grande chaîne. Le spectacle affreux, qui s’y présenta à nos yeux, nous fit frémir, d’autant plus qu’on nous allait joindre aux acteurs qui le représentaient. J’avoue que, tout accoutumé que j’étais aux cachots, entraves, chaînes et autres instruments que la tyrannie ou le crime ont inventés, je n’eus pas la force de résister au tremblement qui me saisit et à la frayeur dont je fus frappé, en considérant cet endroit.

C’est un grand cachot, ou pour mieux dire, une spacieuse cave, garnie de grosses poutres de bois de chêne, posées à la distance, les unes des autres, d’environ trois pieds. Ces poutres sont épaisses de deux pieds et demi et sont rangées et attachées de telle sorte au plancher qu’on les prendrait à première vue pour des bancs, mais elles ont un usage beaucoup plus incommode. Sur ces poutres sont attachées de grosses chaînes de fer, de la longueur d’un pied et demi, et à la distance les unes des autres de deux pieds, et au bout de ces chaînes est un collier de même métal. Lors donc que les malheureux galériens arrivent dans ce cachot, on les fait coucher à demi, pour que la tête appuie sur la poutre. Alors on leur met ce collier au col. On le ferme, et on le rive sur une enclume à grands coups de marteau. Comme ces chaînes à collier sont distantes les unes des autres de deux pieds et que les poutres