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la vie aux galères

une subvention d’argent aux réformés qui souffraient sur les galères de France[1]. Cet argent passait ordinairement par Amsterdam, d’où un négociant le faisait tenir par un de ses correspondants aux lieux où étaient les galères. Un de mes parents d’Amsterdam, Ancien de l’Église wallonne, crut me distinguer en me chargeant de la commission de le recevoir. Cet emploi est très périlleux, car si on s’en aperçoit, vous risquez qu’on vous donne la bastonnade jusqu’à la mort, à moins de déclarer le marchand qui a compté l’argent, et en ce cas un tel marchand serait ruiné de fond en comble. Par un effet de la divine Providence, j’avais été, sans aucun danger, le distributeur des subventions que me remettait M. Piécourt. Pour m’aider dans ce soin, j’avais fait le choix d’un Turc nommé Aly, un des plus honnêtes hommes et des plus fidèles que j’aie jamais vus. Je savais à peu près le temps qu’on envoyait la subvention, et j’envoyais seulement Aly (car les Turcs vont partout sans garde) chez M. Piécourt, qui lui donnait l’argent pour me le remettre, avec une quittance pour me faire signer[2],

  1. On lit en effet dans les actes du Consistoire de Rotterdam ce procès-verbal à la date du 13 janvier 1692 : « Étant nommé par les synodes pour recevoir les charités des autres Églises, destinées pour le soulagement de nos pauvres frères les prisonniers et captifs sur les galères de France, la compagnie étant touchée de la longueur et de la grandeur de la souffrance de ces pauvres prisonniers, à qui un plus long retardement d’assistance ne peut être que fort douloureux, la compagnie a trouvé à propos d’écrire comme elle a fait aux principales Églises de ces provinces, qui n’ont pas encore envoyé leurs charités, pour les solliciter à les envoyer promptement, afin que la compagnie les leur puisse faire tenir incessamment. (Bulletin de la Commission d’histoire des églises wallonnes, 2e série, III, 183.)
  2. Voici une quittance de ce genre d’envoi aux galériens de Marseille : « Nous ci-après signés, souffrant pour la vérité de la religion réformée sur les galères de France, tant en nos noms qu’en celui de nos autres frères, reconnaissons avoir reçu de M. de Superville, de l’église de Groningue, par la voie de Mlle Van Armeyden, la somme de 638 livres 5 sols que nous emploierons, s’il plaît à Dieu, au soulagement de la société enchaînée et recluse selon les intentions de nos charitables bienfaiteurs ; lesquels nous remercions humblement du fond du cœur, priant le Seigneur avec toute la ferveur dont nous sommes capables d’être leur magnifique rémunérateur en la vie présente et en la vie à venir. Nous nous recommandons à la continuation de leur précieuse bienveillance et souvenir en leurs prières