Page:Marteilhe - La vie aux galères, 1909.djvu/112

Cette page a été validée par deux contributeurs.
112
la vie aux galères

chands, et ne s’attacher qu’à eux afin de s’en rendre maîtres, pendant que notre galère, qui était la commandante, s’attacherait, avec celle du chevalier de Mauvilliers à attaquer et à se rendre maître de la frégate qui servait de convoi. Suivant ces dispositions, les quatre galères prirent leur route pour entourer les vaisseaux marchands, et leur couper l’embouchure de la Tamise et nous avec notre conserve allâmes droit à la frégate. Cette frégate, voyant notre manœuvre, conçut bien que la flotte était en grand danger ou du moins la plus grande partie. Cette frégate était anglaise, et le capitaine qui la montait un des plus prudents et braves de son temps, ce qu’il fit bien connaître dans cette occasion, car ayant donné ordre aux vaisseaux marchands de forcer la voile pour gagner le plus promptement qu’il serait possible l’embouchure de la Tamise et de faire en sorte de ne point tomber au pouvoir des Français, et ayant ajouté que quant à lui, il comptait donner tant d’ouvrage aux six galères qu’il espérait de les sauver tous, et qu’en un mot il s’allait sacrifier pour eux, il mit toutes ses voiles au vent et cingla sur nos deux galères qui allaient l’attaquer, comme s’il venait nous attaquer lui-même.

Il faut savoir que la galère qui nous servait de conserve était restée plus d’une lieue derrière la nôtre, soit qu’elle ne marchât pas si bien, ou que le capitaine qui la commandait eût dessein de nous laisser essuyer les premiers coups. Notre commandant, que l’approche de la frégate n’inquiétait pas beaucoup, croyait qu’avec sa galère il était assez fort pour s’en rendre maître. Nous fîmes une décharge sur la frégate qui ne nous répondit pas un seul coup, ce qui fit dire à notre commandant, par gasconnade, que le capitaine de cette frégate était sans doute las d’être Anglais et se venait rendre à nous sans combat. Nous avancions si vigoureusement l’un contre l’autre que notre galère fut en peu de temps à la portée du fusil, et déjà notre mousqueterie commençait à jouer sur la frégate, lorsque tout à coup elle revira de bord, comme si elle eût voulu s’enfuir. La fuite de l’ennemi augmente générale-