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la vie aux galères

Gothenbourg, en Suède. Là il vendit le navire : si ce fut au roi de Suède ou à des particuliers, c’est ce que je ne sais pas. Quoi qu’il en soit, il le vendit. Il reçut l’argent et, ayant congédié l’équipage, il fut en personne à la Cour de France, offrir ses services au roi contre l’Angleterre. Le roi le reçut fort bien et lui promit que la première place de capitaine de haut bord qui vaquerait, il en serait pourvu, mais qu’il lui conseillait en attendant d’aller à Dunkerque servir en qualité de volontaire sur la galère du chevalier de Langeron et qu’il ordonnerait qu’il y fût honoré et respecté. Le capitaine Smit vit bien que c’était un ordre tacite de Sa Majesté. Il y obéit et fut reçu fort poliment du chevalier de Langeron, et entretenu à ses dépens.

Le capitaine Smit était de toutes les corvées que nous faisions aux côtes d’Angleterre. Il avait fort voulu que nous y fissions souvent descente, afin de s’y distinguer en y brûlant quelques villages, mais il était dangereux de s’y frotter. Il y avait tout le long des côtes des corps de garde, et, de distance en distance, des corps de troupes de terre que les gens de mer craignent comme le feu. Le capitaine Smit, brûlant de haine contre sa patrie, avait toujours la tête pleine de projets pour nuire aux Anglais. Il en envoya un, entre autre, à la Cour, pour brûler et piller la petite ville de Harwich,[1] située à l’embouchure de la Tamise, moyennant que les six galères de Dunkerque fussent à ses ordres. Le roi approuva ce projet et donna ordre à M. de Langeron, notre commandant, de suivre les ordres du capitaine Smit pour cette expédition et à l’intendant de la Marine de lui fournir tout ce dont il aurait besoin. M. de Langeron, quoique avec répugnance de se voir contraint d’être aux ordres d’un étranger qui n’était revêtu d’aucun caractère, obéit en apparence de bonne grâce et dit à Smit qu’il n’avait qu’à ordonner les préparatifs et le départ des galères pour cette expédition. Smit fit embarquer tout ce qu’il demanda à l’intendant, comme matières combustibles, enfin tout ce qui était nécessaire pour mettre à sac la ville

  1. Ville de l’Essex à 25 kilomètres de Colebester.