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commandant le département de la Haute-Saône ; il l’aborda et lui demanda de ses nouvelles. Ne le reconnaissant pas, le général le regarda d’un œil surpris ; alors Achille recula de trois pas et fit sur sa cuisse, à la stupéfaction profonde du public, le geste qui avait jadis tant irrité le général. « Marquiset ! » s’écria celui-ci plein de joie, et serrant tendrement les mains de celui qui l’avait autrefois vengé avec tant de promptitude et de vigueur, il le retint à déjeuner.

La carrière des armes était la seule, la véritable vocation de mon frère ; il est fâcheux pour lui qu’il ait cru devoir la quitter ; il avait de la décision, de l’énergie, de l’élan et une grande dose de générosité dans le caractère, qualités précieuses pour un soldat. Malheureusement, il avait un peu trop négligé ses études classiques et redisait sans cesse cet adage, fort à la mode dans les lycées, au temps de l’Empire : Bah ! bah ! on en sait toujours assez pour se faire tuer…. Cela pouvait avoir du vrai au moment des grandes guerres, mais pendant la paix, c’était précisément le contraire qu’il fallait prêcher pour parvenir à quelque chose. En tout cas, malgré ce défaut, tous ceux qui ont connu mon frère lui décernent d’une voix unanime le brevet d’honnête homme et d’homme de cœur.

Dès le jeune âge, Achille montra toujours un goût très vif pour le métier des armes. Les jours de congé, lorsqu’il faisait mauvais temps, nous réunissions nos petits camarades du voisinage. Nous occupions trois vastes