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naient se promener chaque jour sur les glacis de la place, musique en tête.

Il était de mode alors, dans notre monde, d’aller, chaque soir aussi, entendre la brillante musique des Autrichiens, qui, en réalité, était très bonne, et, dans leur enthousiasme royaliste, ces dames, car c’étaient les jeunes et jolies femmes, bien entendu, qui dominaient, criaient après chaque morceau : Vivent nos amis les alliés ! Ces gros soldats d’outre-Rhin, visiblement impressionnés et surpris de tant d’exclamations de tendresse, dont certainement ils n’avaient pas l’habitude, se mettaient à jouer et à chanter tout à la fois, ce qui était fort original, des valses rapides que nos élégantes dansaient dans leur folle joie, au son de cet orchestre entraînant ; et, quand l’heure de la retraite avait sonné, on échangeait de galants adieux qu’on prolongeait, les uns, en élevant leurs shakos ou leurs casques au bout de leurs sabres, les dames à l’aide de leurs mouchoirs blancs suspendus aux cannes des dandys qui leur donnaient le bras. Ce petit manège, très flatteur pour les Autrichiens mais très blessant pour les Français, durait jusqu’à ce qu’on se perdît de vue. De telles démonstrations avaient de l’entrain, du piquant, du romanesque, mais à coup sûr, elles n’étaient pas patriotiques, et j’ai vu de nos jeunes officiers en verser des larmes de rage. Nos bons amis les ennemis ont dû bien rire, dans leurs barbes incultes, des cajoleries dont ils étaient l’objet.

Jamais Mmes  Nodier, il faut le dire, n’ont assisté à