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dre, eh bien, quoi qu’il en fût de l’étrangeté du lieu, je les rejoignais encore. Ne serait-on pas disposé à penser, d’après cela, que la jeune fille aimée laisse après elle un parfum qui ne peut être donné que par elle, une sorte d’encens divin qui embaume l’air, et forme un courant sympathique, dans lequel s’engage infailliblement son amant seul ! Je ne pourrais m’expliquer autrement cette facilité naturelle que nous avions de nous retrouver partout.

Heureux temps de mon jeune âge ! C’est bien le plus beau rêve des gracieuses amours que celui où l’on ose à peine prononcer tout bas le nom de celle que l’on chérit ! Aux accents sympathiques de la voix de Virginie, qui la première avait frappé mon oreille de sa céleste musique, et fait vibrer dans mon cœur des cordes inconnues, je fus bien des fois au moment de lui murmurer : Je vous aime, ce mot le plus doux que prononcent les langues humaines après celui-ci : Ma mère ! mais je n’ai jamais eu le courage de le dire. Je le jure ici…


Sur la fin du blocus de Besançon, les autorités civiles et militaires, prévenues par quelques lettres confidentielles que Louis XVIII allait être replacé sur le trône de ses ancêtres, jugèrent fort sagement qu’il y avait lieu de suspendre, jusqu’à nouvel ordre, tout engagement avec l’ennemi. Elles proposèrent, en conséquence, un armistice au prince Lichtenstein qui nous bloquait. Celui-ci accueillit de grand cœur cette proposition conciliatrice, et ses soldats, sans armes, ve-