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Si, par hasard, je me trouvais seul avec elle, ce qui arrivait fort rarement, ses joues ne s’animaient pas d’un coloris plus vif ; elle ne détournait pas ses yeux avec embarras, son regard limpide et calme restait le même en se reposant sur moi ; le sourire errait sur ses lèvres roses comme celles d’une petite fille qui n’a connu encore que les baisers de sa mère. On croyait retrouver en elle une de ces légères et suaves apparitions, qui voltigent autour de nous dans le vague des songes, ou une de ces vierges vaporeuses qui posait une couronne immortelle sur le front d’Ossian ; elle semblait enfin un ange détaché du ciel pour guider mes pas dans la vie et réaliser pour moi un rêve de félicité éternelle.

Virginie parlait volontiers ; elle ne disait que des choses simples, mais elle ne les disait jamais d’une manière commune. La nature et son organisation privilégiée lui avaient donné ce bon goût et ce tact élégant qu’on n’acquiert d’ordinaire que dans le commerce des gens de lettres et des gens du monde-réunis. Ce que je puis dire encore, parce que je me le rappelle comme si c’était hier, c’est que jamais, ou presque jamais du moins, Virginie ne me parlait à l’avance de la promenade qu’elle devait faire le lendemain ou le surlendemain du jour où nous nous étions vus, et n’importe le lieu, le plus souvent choisi au hasard, nous nous rencontrions toujours. Parfois même, ces dames ont dirigé leurs pas sur des points où les promeneurs n’avaient pas l’habitude de se ren-