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de jours auparavant, je m’attelai le premier à une de ces pièces et je partis suivi de l’autre, que traînaient mes frères et cinq ou six de nos camarades du voisinage. Mon frère Achille, d’habitude, prenait le commandement de cette troupe peu disciplinée, qu’il maintenait pourtant en bon ordre, dans sa marche, jusqu’au lieu du rendez-vous. Il cavalcadait résolument sur un bâton à tête de cheval et tenait à la main un sabre de bois. Il ne lui manquait qu’une polonaise et des panaches pour rappeler l’intrépide et malheureux Murat.

Le Dieu des enfants existe réellement, car nous chargions nos canons sans précautions aucunes, nous y mettions le feu avec moins de précautions encore et le sifflement de nos biscaïens a souvent chatouillé l’oreille surprise du vigneron taillant sa vigne ou du laboureur à la charrue. C’était alors, de la part de ces braves gens, des cris et des menaces qui nous rappelaient à l’ordre, mais un moment après, les mêmes imprudences se renouvelaient.

Je me demande encore comment nous n’avons pas mis sur le carreau un ou deux de nos camarades et plusieurs paysans. Non seulement la perspective de cet événement ne nous troublait pas, mais nous eussions été assez fiers alors de faire du paisible Saint-Ferjeux un petit Wagram.


L’horizon politique de la France commençait à s’assombrir et donnait aux populations de sérieuses inquiétudes. Les armées alliées avaient passé la frontière