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prit ! » Cette brave paysanne n’était pas difficile.

Une autre fois, dans une semblable occasion, toujours en duo, Henri apportait à Paris, dans un élégant panier d’osier, un magnifique angora, destiné à sa maîtresse qui, pour le quart d’heure, était Mlle Cuizot, actrice agréable des Variétés[1]. En arrivant à la barrière, l’employé de l’octroi ouvrit brusquement le panier et, d’un seul bond, le captif s’élança sur le trottoir et s’évanouit dans les rues de Passy. Nous nous mîmes aussitôt sur ses traces ; ce fut en vain. Tous nos efforts pour le retrouver furent inutiles. Henri était de mauvaise humeur, mais, avec l’aide d’une bouteille de champagne frappé que nous bûmes en déjeunant, il fut bientôt remis dans son assiette habituelle de gaieté, et quand nous sortîmes de table, il était presque consolé de la perte de son angora. Cependant, comme l’ennui d’arriver chez sa belle sans sa bête le contrariait encore, je le conduisis chez le plus célèbre marchand d’animaux du boulevard Beaumarchais. Là, pour une quinzaine de francs, l’angora perdu fut avantageusement remplacé, et après cette acquisition, la physionomie de Henri reprit son expression calme et réjouie. Huit jours plus tard, la belle Cuizot ne s’occupait déjà plus de l’angora et lorsqu’en dînant un soir avec elle, nous lui racontâmes notre chasse dans Passy et les transes qui suivirent, elle s’en amusa

  1. Le prédécesseur, auprès de Mlle Cuizot, avait été l’archichancelier Cambacérès.