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Nous allions presque toujours ensemble à Paris, et nous prenions un coucou pour nous seuls. Les célérifères, les gondoles, et surtout les chemins de fer, n’étaient pas encore inventés.

Un jour que nous cheminions ensemble vers la grande ville, dans notre modeste équipage, une bonne paysanne, d’une quarantaine d’années, bien vive, bien soignée, bien accorte, demande à notre cocher, au moment où nous passions devant la manufacture de Sèvres, s’il veut la laisser monter en lapin, qu’elle est bien pressée d’arriver à Paris où elle est attendue depuis le matin par ses enfants. « Notre bourgeoise, lui répondit le cocher, ma voiture est à ces messieurs, je ne puis pas. » Alors Henri, qui, comme moi, était toujours disposé à être agréable, même à ceux qu’il ne connaissait pas, lui dit : « Montez, ma bonne femme, nous vous mènerons lestement, et ça ne vous coûtera rien. »

Elle ne se le fit pas dire deux fois, grimpa sans plus de façon sur le marchepied, avec toute la prestesse d’une jeune fille, et s’assit à côté de notre conducteur, puis se retournant vers nous : « Messieurs, nous dit-elle, que vous êtes donc bons ! Si vous saviez quel important service vous me rendez ! Je suis marraine, ce matin même, de mon premier petit-fils, et je suis en retard de plus de deux heures, ma pauvre fille doit être bien inquiète ! De plus, j’emporte un beau jambon et des saucisses pour le dîner du baptême, et il va m’être bien dur de payer, tout à l’heure, trois