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ses cris ; on la trouva meurtrie et sanglante, et on la reconduisit chez elle, où elle demeura plus de huit jours sans pouvoir reparaître sur la scène. La correction, toute méritée qu’elle était, avait été trop sévère, et indigne, d’ailleurs, d’un aussi galant homme que Taxenne, qui avait dû boire quelques verres de champagne pour se porter à cet excès, si en dehors de ses mœurs douces et de sa nature parfaite.

L’affaire fit du bruit ; les partis s’en emparèrent. On n’y aurait pas donné la moindre attention si elle eût été le fait d’un sous-officier d’infanterie ou de cavalerie, mais il s’agissait d’un garde du corps, il fallait hurler. Dans certain quartier de Versailles, on cria au guet-apens ; dans un autre : « Voilà bien du tapage pour une petite catin qui n’a que ce qu’elle mérite. »

Taxenne ne se repentit pas d’avoir cravaché son infidèle, mais il pleura son amour trop tôt envolé, et resta pendant plusieurs mois sous une impression de mélancolie qui alarma ses amis. D’une douceur presque angélique, d’un caractère affable, il m’a été impossible d’expliquer autrement que par une passion sincère et violente le mouvement de colère de ce vieux camarade, de ce bon ami.

Hippolyte de Taxenne, dont je parle, était le dernier rejeton de M. Tricalet, seigneur de Taxenne, famille honorable qui a produit un écrivain ascétique très distingué, l’abbé Pierre-Joseph Tricalet, directeur de Saint-Nicolas du Chardonnet, confesseur de la duchesse d’Orléans, et en quelque sorte l’ami de Louis