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et aussi pour ne s’être pas toujours contenté de dessiner ses modèles.

Après avoir peint pendant une quinzaine d’années à Paris, où, avec plus de régularité et de persévérance, il aurait pu acquérir un talent de premier ordre et faire une fortune indépendante, il finit par y traîner une vie misérable ; sans le sou, mourant presque de faim, il vint prendre gîte, on n’a jamais trop su pourquoi ni comment, dans une maison mal famée de Luxeuil, où, n’étant plus retenu par les remontrances de ses amis, il s’abandonna crapuleusement à tous les penchants les plus honteux. On le voyait parcourir, en plein jour, les rues de la ville, une bouteille d’eau-de-vie à chaque main, et boire jusqu’au point de tomber sans pouvoir se relever. Sa santé déjà profondément atteinte ne résista pas longtemps à de pareils excès ; il mourut d’une maladie inflammatoire, brûlé, corrodé par l’alcool, vers la fin de 1836.

Hippolyte de Taxenne appartenait à une famille noble de notre province, qui comptait quelques illustrations parmi ses ancêtres ; il entra aux gardes du corps en 1814. Atteint d’une maladie de poitrine dont il avait pris le germe dans le sein de sa mère qui avait succombé jeune encore à ce mal cruel, Taxenne fut obligé de quitter le service et de regagner le château de son père, où il mourut lentement, douloureusement, en 1818 ou 1819. Il faisait partie de notre cercle ; nous avions l’un pour l’autre une amitié qui datait de notre enfance, et sa mort m’a fort affligé. Je mettrai ici une anecdote qui le concerne.