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germaine, veuve du pauvre Henri de Conflans ; elle mourut au bout de six mois de mariage.

Notre camarade d’enfance, Francis Conscience, prenait ses leçons de dessin en même temps que nous chez un vieux professeur, qu’on appelait le père Jourdain. C’était un petit vieillard propret qui, malgré la proclamation de la République, du Consulat et de l’Empire, n’avait pas cessé, par les idées et le costume, d’appartenir à l’ancien régime ; il maniait le pinceau avec une certaine habileté, mais ignorait jusqu’aux plus simples ressources de son art. Il fit sous nos yeux un tableau dans lequel Archimède était représenté dessinant le plan d’une machine sur une belle table Louis XV, à l’aide d’un porte-crayon en or et d’un élégant compas de Paris ! « Si David voyait cette œuvre, disait-il en se pâmant, il la trouverait superbe ! » et il y avait quelque chose de vrai dans cette exclamation enthousiaste. David vint visiter Besançon en 1814 et, comme il se promenait un jour dans la rue Battant, il s’arrêta tout à coup devant l’enseigne de l’hôtel Saint-Pierre : « Voilà, dit-il, à la grande surprise de ceux qui l’accompagnaient, voilà ce que vous avez de plus beau à Besançon. De qui est cette peinture ? » Elle était du père Jourdain.

Conscience, connu comme artiste sous le nom de Francis, devint plus tard un peintre de talent ; il était né avec le génie de la peinture. Doué d’une extrême facilité de conception et d’une étonnante prestesse de main, dès que l’arrangement d’un sujet quelconque