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chez Mgr Claude Lecoz[1], notre archevêque, que nous aimions le mieux aller. Quel charmant coup d’œil présentait la vaste table autour de laquelle nous prenions place. On y voyait rangés avec art de magnifiques jambons, perdus dans des monceaux de gelée transparente, de formidables volailles bourrées d’une farce délicate et marbrées par les truffes, des saucissons de toutes les tailles pour tous les goûts ; des langues fourrées d’une chaude couleur garance, et des pyramides de gâteaux divers, sortant des laboratoires si célèbres des Valet et des Voituret.

Nous nous versions encore, dans de grands verres, du vin que nous trouvions fameux, et qui ne nous épargnait pas. C’était à l’archevêché seulement qu’on nous servait du vin de Champagne dans des flûtes, plus agréables cent fois que les nôtres ; nous en buvions beaucoup, et cela nous mettait bien vite au cerveau une gaieté bruyante. Ah ! monseigneur Claude Lecoz, si vous avez donné la nourriture de l’âme à un grand nombre d’entre nous, vous avez, en même temps, donné la nourriture du corps, et une excellente nourriture encore, aux élèves faisant partie de la musique, et qui, dans cet âge de déraison, était de beaucoup préférée à l’autre.

  1. Lecoz (Claude, comte), né à Plonevez-Porzay (Finistère), le 22 décembre 1540, mort à Villevieux (Jura), le 3 mai 1815. Professeur et directeur du collège des Jésuites de Quimper, fut élu en 1791 évêque constitutionnel d’Ille-et-Vilaine, puis député à la Législative. On l’emprisonna au Mont-Saint-Michel comme suspect jusqu’au 9 thermidor, et en l’an X, il fut appelé à l’archevêché de Besançon. Le préfet bonapartiste de Bry disait de lui : « C’est un saint ! » et le comte de Scey, préfet royaliste « C’est un préfet de police sous le nom d’évêque ! »