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on lui fait un reproche ne sont pas étudiées, elles tiennent à son caractère vif, bouillant et surtout à ce que l’éducation de famille n’est pas venue corriger en lui le côté défectueux de son caractère.

Je me souviens qu’un soir, après avoir dîné ensemble, nous étions allés voir le géant du café de Mulhouse. Il y avait seulement quelques personnes dans le salon d’attente. Le géant sortit tout à coup de derrière une portière placée au fond du salon ; il avait plus de sept pieds, c’était une masse de chair, flasque et stupide. Il se plaça au milieu de l’appartement, étendit horizontalement ses bras et nous engagea à passer dessous, ce que nous fîmes, Francis Wey en tête, avec une docilité des plus niaises et des plus risibles. Quelques instants après, lorsque le monstre se fut retiré derrière son rideau, plusieurs littérateurs connus entrèrent, poussés par la même curiosité que nous. Francis Wey courut aussitôt de l’un à l’autre avec l’air de la plus grande satisfaction : « Mon cher, cet homme est prodigieux ; j’ai passé sous son bras, le chapeau sur la tête ! » Et le pauvre Francis y aurait passé à cheval, en uniforme de carabinier, le casque en tête et l’aigrette par-dessus le marché.

Un autre soir nous dînions aux Frères Provençaux avec quelques amis. Paul Courvoisier[1], chef d’escadron au 6e régiment de cuirassiers, dont chacun connaît la taille formidable et la force, était au nombre des

  1. Fils du garde des sceaux de Charles X.