Page:Marquiset,À travers ma vie,1904.djvu/300

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rage. » Parvenus au bas de l’escalier, on suivit quelque temps les fossés jusqu’au pied du pavillon de la Reine et, ayant tourné l’encoignure de ce pavillon, on se trouva en face des troupes qu’éclairaient la lueur inutile de quelques lanternes et le jour qui venait de paraître. Il était près de six heures du matin ; une pluie fine et froide mouillait les soldats.

L’adjudant Pélé s’avança, tenant en main le jugement de la commission militaire, dont il donna lecture à haute voix. En apprenant qu’il était condamné à mort, le prince garda un moment le silence, puis appelant le lieutenant Noirot qui n’était pas loin de lui, il dit qu’il avait un dernier service à demander, et lui ayant parlé tout bas, le lieutenant se retourna brusquement et dit aux gendarmes : « L’un de vous aurait-il une paire de ciseaux ? » Sur une réponse affirmative, les ciseaux furent passés de main en main et remis au prince. Celui-ci coupa une mèche de ses cheveux, l’enveloppa dans un papier avec un anneau d’or et une lettre, et tendit le paquet à Noirot en le priant de le faire remettre à la princesse Charlotte de Rohan-Rochefort, avec laquelle il était uni, dit-on, par un mariage secret. Le prince donna ensuite sa montre au lieutenant en lui recommandant de la faire remettre à son père. Après ces dernières dispositions, le descendant des Condé serra vivement la main de Noirot qui, ne pouvant maîtriser sa douleur, laissa couler de grosses larmes sur la main du condamné. Quelques minutes après, tout était fini.