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le désespoir d’être abandonnée, semble avoir chez elle tourné à la rage ; elle n’a plus de prédilection, plus de sourires que pour les femmes laides ou ridées, et sa méchanceté se répand sur tout cet essaim de jolies personnes rieuses et confiantes qui coquettent autour de nous.

LE BARON DE LIVET

Bien que l’expression de sa physionomie soit celle de la prévenance et de la bonté, le baron de Livet est d’un extérieur un peu gauche, un peu commun même, avec toute l’encolure pourtant d’un bon et loyal Savoyard qu’il est. Député d’Ancenis à l’Assemblée législative de Turin, il jouit dans tout le Piémont d’une haute considération, qu’il doit à l’intelligence et au zèle avec lesquels il s’occupe des intérêts qui lui ont été confiés. Sa manie de rester seul huit heures par jour dans un bain particulier, au lieu de se mêler, dans les grands carrés, à la société qu’il affectionne, le fait passer pour original, voire même pour un monomane atteint d’un peu de sauvagerie. Mais il n’est rien de tout cela. Homme d’une grande discrétion, d’une grande réserve, il est, dans le monde, du commerce le plus agréable ; il a beaucoup d’esprit, joue à ravir les proverbes et les charades, et s’y montre même comédien habile et surtout fort amusant. M. de Livet, qui compte quarante-deux ans, n’est pas marié. J’ai eu à me louer de lui dans une situation délicate et je n’en perdrai jamais le souvenir. C’est d’ailleurs