CHAPITRE XI
À chacun de mes séjours à Paris, j’allais régulièrement voir à l’Arsenal notre ami Charles Nodier, chez lequel j’étais reçu comme l’enfant de la maison. Je voyais défiler là toutes les célébrités du moment, mais je préférais beaucoup les visites intimes qui avaient lieu d’ordinaire dans la chambre de l’excellente Mme Nodier. Combien de fois ai-je été pris par le charme de son illustre époux, si aimable, si fin, si brillant ! Il parlait lentement, avec un accent comtois prononcé, et sa conversation était un mélange de poésie et de peinture qui faisait oublier son imagination hyperbolique. Je me souviens encore du frisson ressenti le soir où le brave homme me raconta le passage de la Loire par l’armée vendéenne en 1793 : « Ah ! voyez-vous, Armand, me disait-il, c’était une sublime horreur. Seul homme valide dans une barque chargée de dix personnes, je ramais d’une main et soutenais de l’autre un blessé moribond ; les glaces charriées par le fleuve fu-