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le baron Bachelu se faisait remarquer dans les cercles les plus distingués de Paris par la grâce de ses manières et, dans les promenades publiques, par l’élégance de ses équipages. Il était alors le cavalier fidèle d’une grande dame russe, Mme  la comtesse Demidoff, avec laquelle on le rencontrait partout. Cette belle dame avait depuis longtemps passé l’âge des amours, mais le général n’était pas chatouilleux sur ce point. Cette espèce de culte pour les lionnes d’un autre siècle avait fait dire du baron Bachelu qu’il aimait à jouer de la vieille. Mme  Demidoff mourut en 1816, et chacun a pu voir, comme moi, dans la chambre à coucher de son amant, à la Grange-Perey, un petit tombeau en marbre noir sur la face principale duquel on lisait en lettres d’or : Morte le… 1816. Elle était nécessaire au bonheur de son ami. Le comte Demidoff avait fait venir d’Italie, pour y déposer les restes de sa femme, un splendide mausolée en marbre blanc, que l’on admire encore aujourd’hui au Père-Lachaise. En voyant tout ce déploiement de luxe pour une épouse dont le mari n’ignorait pas la conduite, un des amis de M. Demidoff lui dit : « Vous êtes fou, mon cher, d’avoir fait une pareille dépense pour la sépulture de la comtesse. — Ah ! de grâce, répondit le veuf peu désolé, ne me plaignez pas, c’est l’argent que j’ai le mieux employé de ma vie. »

Après la comtesse Demidoff, le général Bachelu, pour se consoler, s’attacha au char de Mme  la comtesse Colin de Sussy. Cette fille d’un premier président