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légitime l’élection du prince Louis à la présidence de la république. Il avait alors de funèbres pressentiments à son sujet personnel, car il m’écrivait le 8 avril 1849 :

« Vous faites bien, mon cher ami, de vous livrer aux méditations philosophiques, tout en cultivant les légumes et les fleurs de votre jardin. Vous avez, vous, un long espace de vie à parcourir ; il ne me reste à moi que peu de jours avant le terme fatal qui m’est assigné par la nature. J’en profite pour obtenir, par le spectacle qui se déroule devant moi, des diversions aux tristes pensées qui nous oppressent quand on est si près de sa fin. »

Bientôt, en effet, une attaque subite de choléra le renversait en pleine force. Jusqu’à son dernier jour, il avait conservé un air de jeunesse qui frappait au premier coup d’œil, et lorsqu’on le voyait déployer dans son uniforme sa taille haute et bien prise, avancer avec coquetterie un pied charmant et montrer une main d’une distinction parfaite, ceux qui ne le connaissaient pas le prenaient presque toujours pour un de nos jeunes maréchaux de camp qui venaient de conquérir leurs trois étoiles sur les champs de bataille de l’Afrique. Ses manières étaient extrêmement gracieuses, sa conversation spirituelle et facile, et il savait beaucoup d’anecdotes qu’on se plaisait à lui entendre conter. D’un caractère doux, caressant même, il était aimé de tout le monde et n’a pas laissé un seul ennemi.