Page:Marquiset,À travers ma vie,1904.djvu/260

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le général Voirol était riche. On lui faisait le reproche de répéter souvent qu’il était pauvre, afin, ajoutait-on encore, d’être plus à l’aise pour vivre dans la retraite et de pouvoir faire, à l’abri de toute critique, des économies considérables sur ses revenus.

J’ai beaucoup connu cet officier général et j’ai toujours eu pour lui une véritable affection, je crois que c’était un ami sûr et dévoué.

Lorsqu’il mourut, on fit sur sa tombe plusieurs discours parfaitement convenables, parfaitement vrais, touchant sa vie privée et ses qualités bienveillantes, mais aucun orateur n’osa aborder un des épisodes les plus saillants de sa carrière, c’est-à-dire l’audacieuse tentative faite à Strasbourg par le prince Louis-Napoléon. On a dit à cette époque que le général Voirol avait eu une conduite douteuse, qu’il était fort indécis, cherchant à conserver sa position en cas de réussite de la part du neveu de l’empereur, et que l’on ne sait pas ce qui serait arrivé sans la droiture, la loyauté, l’inspiration soudaine du colonel Taillandier qui, lui seul, fit arrêter le prince dans la cour du quartier. Le général a dù laisser quelques notes manuscrites sur ce fait important qu’il m’a raconté plusieurs fois, et toujours, bien entendu, il l’avantage du devoir et de la fidélité. Si M. Voirol a hésité, il a eu tort, mais ses biographes doivent le dire ; la position était assez délicate pour excuser, sinon pour approuver le doute. Si, au contraire, le général a marché carrément, présentant la poitrine aux sabres des factieux, comme il a toujours