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amertume de prolonger sa vie jusqu’à notre époque banale ?

Armand Marquiset était, en outre de sa rondeur, doué d’une grande sensibilité. Dans son enfance, la moindre contrariété lui serrait le cœur ; il devenait alors maussade, boudeur et prolongeait souvent le plaisir de manière exagérée. Un jour, qu’avec ses frères et quelques camarades, il était allé se promener dans la vallée de Beure, près de Besançon, puis goûter chez un aubergiste en revenant du « Bout du monde, » un de ses jeunes amis lui lança un mot insignifiant qui blessa son amour-propre. Quittant aussitôt la table, il courut se réfugier sous une épaisse charmille pour y bouder à son aise, lorsqu’en apportant des assiettes, la femme de l’hôtelier l’aperçut. L’enfant, un peu honteux, se mit à tousser afin de cacher son embarras : « Pauvre petit, s’écria la brave campagnarde, je parie que vous avez avalé une arête de poisson ? » Comme il répondait d’un signe affirmatif, l’autre s’en fut aussitôt quérir des croûtes de pain qu’elle lui fit avaler successivement et presque de force. La crainte d’être étouffé par ce solide remède dissipa vite le renfrognement du petit sensitif, qui fut ramené en triomphe