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son mariage le neveu du précédent, était pour l’instant ministériel de convictions ; aussi, lorsque dans la conversation j’avouai mon peu d’enthousiasme pour M. Guizot, il me répliqua courtoisement par un éloge pompeux du premier ministre et termina par ce vers qu’il lui appliqua :

Chêne au tronc vigoureux, chêne aux rameaux puissants.

M. Genoux-Prachée, qui nous écoutait sans rien dire depuis un instant, continua avec emphase :

… Qui de ses fruits tombés nourrit ses partisans.

L’allégation était peut-être exagérée. Nourrir ses amis de glands et ses sous-préfets de promesses, voilà en tout cas de la manne à bon compte.


Je n’ai pas connu le général Voirol dans sa jeunesse, mais il avait dû être un superbe soldat. C’était un homme grand, mince, élancé, peut-être même trop mince, trop élancé, ayant les gestes, les manières et la tenue d’un comédien de haut bord ; il s’écoutait parler avec une complaisance marquée et gesticulait sans cesse ; ses bras et ses mains démesurément allongés étaient toujours en mouvement à la façon d’un télégraphe et prêtaient à rire. Il racontait et disait agréablement ; toutefois, c’était souvent délayé et quelque peu soporifique. Le général était d’une grande aménité, d’une grande obligeance et j’ai été témoin de ses démarches actives en faveur d’anciens militaires, ses compagnons d’armes, qu’il savait malheureux.