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— Eh bien, repris-je, si vous oubliez de nouveau la parole que vous m’avez donnée, je vous la rappellerai en temps opportun, car, selon toute apparence, vous redeviendrez bientôt ministre. » Mais la mémoire des hommes d’État est courte et M. Guizot n’eut souvenance ni de nos anciennes relations ni de l’amitié si tendre qui m’unissait à son frère, ni enfin de l’engagement qu’il avait pris avec moi et qu’il m’avait renouvelé à plusieurs reprises.

Le ministère Guizot-Duchâtel s’est plu à barboter perpétuellement dans la fange électorale et n’est sorti de là que couvert de confusion, de mépris et de boue. Il est fâcheux que deux hommes, aussi corrompus n’aient pas payé, au moins de l’exil, le mal qu’ils ont fait au pouvoir et à la France. — « Ne cherchez pas à m’émouvoir, disait l’Empereur à Joséphine, après lui avoir annoncé son projet de divorce, je vous aime toujours, mais la politique n’a pas de cœur, elle n’a que de la tête. » Les ministres de Louis-Philippe étaient sans cœur, mais, en revanche, ils n’avaient pas de tête.

À propos de M. Guizot, je me rappelle une réplique assez drôle de M. Genoux-Prachée, représentant du centre gauche, chez lequel je me rencontrai avec le jeune député de Gray, M. François Jobard[1]. Ce dernier, qui devait quelques années plus tard devenir par

  1. Jobard (François), né à Gray en 1803, mort à Besançon en 1881. Issu d’une vieille famille grayloise. Député de la Haute-Saône de 1834 à 1839. Président à la cour impériale de Besançon.