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Rentré à Besançon dès que l’ordre fut rétabli, il s’occupa de l’organisation de l’artillerie de la garde nationale, dans laquelle il avait été nommé lieutenant ; bref, pendant toute sa vie, il a dévoré, dans ses ambitions mensongères, plusieurs destinées dont une seule aurait suffi à remplir son existence, et il a tout désiré sans rien vouloir. La place qu’il occupa le plus longtemps — trois ans, et pour lui c’était énorme — fut celle des télégraphes, grâce à l’appui et à la bienveillance de Chappe, le directeur général du moment. Cette protection lui avait été obtenue par notre ami Rouget de Lisle, l’illustre auteur de la Marseillaise[1].

Mon père s’était lié avec lui à Lons-le-Saunier vers la fin de l’Empire, et le brave Rouget ayant eu plusieurs fois recours à son obligeance, reconnut cette bonté en aidant mon frère dans ses débuts.

C’est en 1823, après ma destitution, que je fis la connaissance du Tyrtée français, et j’avoue avoir éprouvé une certaine désillusion à ma première visite. Bien que mon père et mes frères m’eussent souvent parlé

  1. Rouget de Lisle (Claude-Joseph), né le 10 mai 1760 à Lons-le-Saunier, mort à Choisy-le-Roi le 26 juin 1836. Sous-lieutenant à l’École du génie en 1782, il devint capitaine en 1791, chef de bataillon en 1796 et démissionna la même année. La Marseillaise fut composée à Strasbourg, dans la nuit du 25 au 26 avril 1792, à la suite d’un dîner donné par le baron de Dietrich, maire de la ville, dîner auquel assistaient les généraux d’Aiguillon, Broglie et du Chastellet, les capitaines Caffarelli et Rouget de Lisle et les lieutenants Desaix et Masclet. Rouget de Lisle habitait alors un petit appartement rue de la Mésange, et c’est très probablement là qu’il conçut son chef-d’œuvre.