Page:Marquiset,À travers ma vie,1904.djvu/209

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lèrent à nous et notre cortège, bariolé de costumes brodés, d’uniformes militaires et de robes de bure, était du plus curieux effet.

Arrivés au château, nous trouvâmes l’établissement tout à fait dans l’enfance. C’était une réunion d’aliénés contenus dans de vastes salles et surveillés par des moines ; mais ces malheureux, mal vêtus, mal nourris dans leurs villages, étaient bien soignés, jouissant d’un doux repos et offrant l’apparence de la santé. C’était donc un service réel que le P. Hilarion rendait à la société ; il méritait l’encouragement de l’administration locale et le préfet lui promit de l’aider.

En visitant la classe où deux frères instituteurs apprenaient à lire et à écrire aux enfants pauvres du pays, M. de Valdenuit éprouva le besoin de leur adresser une allocution pompeuse et ampoulée sur le mérite, le talent et la modestie des instituteurs. Pendant que le préfet parlait, je levai machinalement les yeux sur la figure du maître auquel ces belles choses se débitaient, et me voilà tout à coup persuadé que j’avais vu ce masque quelque part. Ne pouvant me rappeler où j’avais rencontré ce jeune homme, je restai le dernier pour lui faire part de ma préoccupation, car tout me semblait mystère dans ce couvent. Au moment où j’allais lui adresser la parole : « Monsieur, vous ne me reconnaissez donc pas ? — Non, mon ami, répondis-je. — Ah ! Monsieur, c’est bien étonnant, c’est moi qui étais domestique, il y a deux ans, chez M. le préfet, et qui vous ai bien souvent donné des assiettes à table. » La