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En nous rendant chez Mme  la duchesse d’Angoulême, nous traversâmes une grande pièce coupée en deux dans sa longueur par une petite barrière à hauteur d’appui, assez semblable à celles qui se trouvent dans les bureaux de diligence ; derrière cette barrière était le berceau de M. le duc de Bordeaux, au chevet duquel se tenait, droite comme un cierge pascal, Mme  la comtesse de Gontault, sa gouvernante. Un huissier, placé au pied du berceau et de notre côté, demandait le nom de chaque personne et le jetait à haute voix dans l’espace lorsqu’on passait. Quand vint mon tour, je m’inclinai profondément devant l’auguste enfant, ou l’enfant du miracle, comme on l’appelle, et je pensai que si ce petit prince, plus avancé en âge, se montrait aussi insensible à la flatterie qu’aujourd’hui, ce serait d’un bon augure pour le peuple qu’il aurait à gouverner.

J’ai trouvé fort ridicule cet usage de présenter de graves personnages à un enfant au berceau qui ne sait encore que crier et pleurer pour exprimer ses désirs ou ses douleurs.

Ma présentation à Mme  la duchesse d’Angoulême me causait une excessive frayeur, car cette princesse est la plus impopulaire de tous les membres de la famille royale. Pourtant j’entends dire à mes amis de la garde qu’il est difficile de rencontrer, dans la vie intérieure, une bienveillance plus soutenue qu’en elle et une égalité de caractère plus complète. Quoi qu’il en soit, j’étais vivement ému lorsque je me trouvai en sa présence ; sa figure, qui m’avait paru sèche et guindée, se dérida