Page:Marquiset,À travers ma vie,1904.djvu/191

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

corde, les brillantes qualités qui le distinguent, en font un des hommes les plus remarquables de cette époque ; ajoutez à cela qu’il est tout puissant sur l’esprit du roi, et qu’il obtient tout ce qu’il veut. De plus, M. Decazes est grand, bien fait, d’une charmante figure, et plein de finesse et d’esprit ; il est aimable, gracieux, insinuant, et son regard vif et scrutateur semble plonger dans le vôtre et arracher les pensées enfouies au fond de votre cœur. Sa haute position excite une jalousie universelle, et les ultras, avec leurs opinions gothiques, ne peuvent pardonner à un petit garçon sans naissance d’avoir usurpé dans l’affection du roi une place qui ne devrait être jamais accordée qu’à un gentilhomme pur sang, et dont les ancêtres auraient joui en tout temps des faveurs de la cour.

Quoi qu’il en soit, en entrant dans le salon de M. le comte Decazes, une émotion extrême s’empara de moi, mes idées se troublèrent de telle sorte que je sentis parfaitement que si le ministre m’adressait la parole en ce moment même, il me serait impossible de lui répondre.

Quand je l’abordai, sous l’aile protectrice de M. Courvoisier, il s’aperçut très bien de l’émotion qui m’agitait, et je lui dois cette justice qu’il chercha tout aussitôt par un mot bienveillant à me remettre dans mon assiette ordinaire ; il y réussit. Après quelques questions particulières sur mes études, mes travaux à la préfecture de Versailles, il me promit solennellement, ainsi qu’à M. Courvoisier, l’un de ses plus fidèles