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l’usage des soupers au milieu du bal, usage charmant dont les maîtresses de maison ont bien tort aujourd’hui de faire l’économie. Ces soupers étaient toujours somptueux et les cavaliers cherchaient, par les soins les plus délicats, à prouver l’amour qu’ils avaient pour telle ou telle dame. Mme  de Laporte ne manqua de rien. À elle les morceaux les meilleurs, à elle les pâtisseries les plus friandes. Je n’oubliai pas non plus de remplir son verre d’un pétillant vin de Champagne dont la bouteille ne me quittait pas. Mme  de Laporte avait, il faut en convenir, — ce qui n’était guère de bon ton alors, surtout parmi les Anglaises — oui, elle avait l’appétit grossier d’une grisette et la soif désordonnée d’une commère ; elle fit un délicieux souper et sortit de table le teint coloré et l’œil agaçant.

Lorsque les femmes eurent quitté leurs places, les hommes s’assirent. Ce nouveau, ou plutôt ce second souper fut des plus bruyants et on rentra dans le salon, disposé à faire durer le bal jusqu’au jour. Toutefois un grand nombre de personnes se retirèrent ; Mme  de Laporte était de ce nombre. Je fis comme elle et sortis assez tôt pour la rejoindre au bas de l’escalier, et lui dire en lui serrant la main de ce tremblement convulsif que donne l’espoir d’un prochain succès : « À demain ! »

Après une nuit de fièvre pendant laquelle il me fut impossible de fermer l’œil, je commençai, dès l’aube, une toilette des plus soignées, et j’arrivai au bureau de la gondole une demi-heure avant le départ.