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femme, mais c’était une femme charmante dans toute l’acception du mot : son visage n’offrait pas les purs contours grecs ou romains, et n’était pas du nombre de ceux qui inspirent une passion durable, mais il était impossible, en la voyant, de ne pas éprouver un violent caprice ; et puis, à sa tournure, à sa respiration haletante lorsque son cavalier la serrait d’un peu près, dans une valse ou une anglaise, on jugeait aisément qu’elle devait avoir des ardeurs enivrantes et des transports de bacchante affolée.

Donc un soir, c’était à un bal chez l’amiral de Linois, elle avait une toilette ravissante, une gaieté et un esprit qui ajoutaient encore à sa grâce habituelle. J’eus la tête bouleversée, non pas de la toilette, mais de celle qui la portait, et je résolus de dire à Mme  de Laporte tout ce que j’éprouvais pour elle. L’occasion ne tarda pas à se présenter. En dansant avec elle, je lui glissai plusieurs phrases très aimables, très douces, très pressantes, et comme je me plaignais de ne pouvoir tout dire à cause de la foule qui nous entourait : « Venez demain à Paris, me dit-elle, j’y vais moi-même par la gondole de dix heures, et nous causerons en route. »

À ce moment, la dernière figure de la contredanse expira et l’on annonça que le souper était servi. Je glissai le bras de Mme  de Laporte sous le mien, la conduisis dans la salle à manger, et m’emparant pour elle d’une des meilleures places de la table, je restai debout derrière sa chaise pour la servir. C’était alors