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« En sortant de dîner, me dit-il, je suis allé faire un tour de promenade au parc, et j’ai choisi, pour rêver à mon aise, les allées les plus ombreuses et les plus solitaires. Je pensais à la belle lady, car je n’ai plus d’autre pensée, lorsque me prit le caprice soudain d aller me jeter à ses pieds, et de lui avouer ma flamme. Je la savais seule en ce moment ; je m’achemine donc vers sa demeure ; ma main saisit en tremblant le marteau de la porte, je frappe, et me voilà dans le vestibule, presque surpris moi-même de ma démarche. On m’annonce à Milady, et, en deux pas, je me trouve enfin à ses côtés, sur la même ottomane.

« Dans cette position inespérée, ma tête s’échauffe, mon sang bouillonne, je m’empare de sa main que je baise avec transport, et, après avoir dérobé un rapide baiser à ses lèvres crispées, mes sens s’égarent, je la prends dans mes bras, je la porte sur son lit, où, en se débattant avec la plus rude énergie, elle rencontre le cordon de sa sonnette, qu’elle agite d’une façon désespérée ; j’entends un domestique monter l’escalier ; furieux alors, et ne me connaissant plus, je mets l’épée à la main, et j’annonce que je tuerai le premier qui entrera. Je ne sais si le mouvement impétueux que je fis en adressant cette menace et du geste et de la voix, ou si les supplications de la pauvre femme effrayée et tremblante, arrêtèrent mon bras ; ce qu’il y a de certain, c’est que je redevins calme à l’instant même, et que mon épée était rentrée au