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la morale, etc. ; il ne devait donc pas se laisser salir les mains par un argent dont la source, d’après ses propres discours, n’était pas pure. Le duc de Richelieu, au contraire, avait obtenu, de la bienveillance de l’empereur Alexandre, le retrait des troupes de la coalition dont la présence souillait notre territoire et blessait notre orgueil national. C’était une faveur toute patriotique, et qui, en flattant l’amour-propre de tous, délivrait en même temps le trésor français de charges accablantes. La dotation ne pouvait donc qu’être honorable pour celui qui la recevait. Malgré tant de motifs militants, malgré le manque absolu de fortune du duc de Richelieu, ce noble gentilhomme ne se donna même pas le plaisir de faire entrer chez lui la récompense que la juste reconnaissance des Chambres lui avait accordée.

Aujourd’hui que nous sommes à quarante années de distance des deux faits que je viens de rapporter, qu’on examine de quel côté est le grand homme et le noble cœur.

Étranger, par son long éloignement, à toutes les colères, à toutes les ambitions de parti, le duc de Richelieu présentait cette condition de neutralité dans les passions et d’impartialité dans les pensées, heureuse condition des hommes qui ont temporairement quitté leur patrie et y restent comme arbitres, au-dessus des reproches et des lassitudes du temps de révolution[1].

  1. « Son visage portait son nom ; son front était éclairé, ses yeux limpides, son nez aquilin, sa bouche ouverte. L’ovale grec de ses