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force de me remuer, et il s’en est peu fallu que les gens des postes nous aient traité aussi mal que les voleurs traitèrent le pauvre comte. Enfin je suis arrivé une heure avant le jour à Baniaye[1] en plus mauvais état qu’il n’arriva en ce lieu, où il fut reçu si humainement, et à quelque chose près j’y ai été reçu aussi bien qu’il le fut. J’ai trouvé un palais enchanté ; une femme est venue au-devant de moi et m’a conduit dans la chambre de la plus belle princesse d’Italie[2], à une heure où l’on n’entre guère chez les dames que pour être heureux. Il y avait dans cette chambre un lit qui semblait être fait pour l’amour et pour le plaisir ; malheureusement il n’y a point servi : la princesse était à Rome, et l’aventure a fini là. Je sais bien que cette princesse est persuadée que je n’avais besoin que de repos en partant de Rome. Il en est peut-être quelque chose ; mais si je l’avais trouvée dans ce beau lit, elle aurait fait le miracle de ressusciter les morts. Quelles idées cette pensée donne à un pauvre malheureux qui

  1. Lire Bagnaia, à 4 km. de Viterbe. La famille ducale de Lanti y avait — et y a encore — sa résidence d’été.
  2. Coulanges, qui vit aussi la princesse à Rome, dit qu’elle avait « les yeux assez beaux, une bonne mine, et les manières engageantes ». (Mémoires, p. 152-4, cité par De Boislisle, Saint-Simon, VI, p. 43).