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cesse mes yeux de dessus vous, et je les y retrouve toujours. Je crains toute la Cour, et je vous crains plus que tous les autres ensemble ; je voudrais parler sans cesse de vous, et je n’oserais seulement nommer votre nom : je ne le nomme point comme les autres, et on s’en apercevrait. Quand vous me faites l’honneur de me parler, j’ai si peur qu’il ne m’échappe quelque chose qui découvre mes sentiments que je ne sais quasi ce que je réponds. Ah ! Madame, si j’osais, que de choses j’aurais à vous dire !

La mort est moins cruelle que l’état où je suis. Elle viendra bientôt, car il est impossible que mon corps résiste longtemps au trouble extraordinaire de mon âme. Vous êtes bien vengée de ma folle passion par les peines que je souffre. Mon extravagance va quelquefois jusqu’à me faire penser que je ne vous suis point tout à fait indifférent ; quand vous dites quelque chose que je m’imagine qui a rapport à moi, quand vos beaux yeux me regardent, quand vous me donnez ces jolies mains à baiser, je ne sais quasi ce que je deviens, et je suis si transporté que j’ai peur que tout le monde ne s’en aperçoive. Hélas ! je me flatte : toutes vos bontés ne sont peut-être fondées que sur ce que vous ne pouvez pas imaginer ma folie, et vous rougirez de dépit en lisant cette lettre, si vous daignez la lire. Je me fais un plaisir, en