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est que je ferai le même chemin qu’a fait ma chère Marianne… Quand on a connu le plaisir d’aimer et d’être aimé par une personne qui ne vivait que pour vous et pour qui seule on vivait, on ne veut plus la vie à d’autres conditions.

… À quinze ans[1] je l’ai connue, et à quinze ans j’ai commencé à l’aimer ; depuis, cette passion a toujours réglé ma vie, et il n’y a rien que je ne lui aie sacrifié… Les hommes ne consolent point des douleurs comme la mienne ; il n’y a que Dieu seul qui le puisse, et c’est Dieu seul aussi que je veux chercher. Je ne peux plus jamais avoir ni plaisir ni douleur dans le monde ; tout m’y sera indifférent je n’ai plus rien à y faire qu’à mourir, et je ne veux songer qu’à bien mourir ; mes amis pourront se servir de mon amitié, mais ils n’en jouiront plus. Si la pensée de la mort est cruelle à celui qui aime la vie, elle est bien douce à celui qui la hait ; elle fait toute mon espérance…

Qu’on a de la peine à attraper la fin du jour et la fin de l’année, et qu’il faut faire de choses pour ne pas mourir d’ennui, quand la seule qu’on aimait ici bas nous manque ! Il n’y a plus de lieu où j’aie envie d’aller, tout m’est égal : ma chère Marianne donnait de la vie à tout, et, en la perdant, tout est mort pour moi… Il n’y a rien

  1. Donc en 1667.