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ÉCRIT APRÈS LA MORT DE MARIANNE[1]
(1681)
Dieu a rompu la seule chaîne qui m’attachait
au monde : je n’ai plus rien à y faire qu’à mourir ;
je regarde la mort comme un moment heureux :
on n’en souffre les horreurs qu’une fois en sa vie,
et je les viens de sentir, avec cette différence que
d’ordinaire on a l’esprit si abattu dans ces derniers
moments qu’on n’en a qu’un sentiment imparfait,
et moi j’en sens toute l’amertume, et je l’avale à
longs traits. Que je me trouve jeune ! la longueur
de ma vie me paraît insupportable quand je la
compare à la longueur des jours que j’ai passés
depuis la perte effroyable que j’ai faite. Je suis
demeuré seul sur la terre ; que c’est un triste
séjour ! Si je n’étais pas sujet à la mort, mon état ne se pourrait supporter : ma seule consolation
- ↑ Voir la Notice, p. 15. Ed. 1756, tome I, p. 51-67.