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vous aurez peur des esprits, en lisant seulement cette peinture de la vie que je mène, et vous en mourriez si vous habitiez ce château et que vous entendiez tous les contes que l’on fait de ces fées qui s’y viennent promener assez souvent. Je voudrais bien qu’elles me rendissent une visite, car je les crois de fort bonne compagnie, et j’ai cent questions à leur faire ; mais elles ne me feront pas tant d’honneur. Je fais pourtant tout de mon mieux pour les y engager ; car, comme j’ai toujours ouï dire que ces demoiselles n’aiment pas à trouver beaucoup de monde, je demeure tout seul à les attendre. Je ne me plains pas de cette extrême solitude, puisque je ne saurais vous voir. Vous me mandez que l’absence ne change point vos sentiments je vous rends vos mêmes discours, et vous ne sentez rien sur cela que je ne sente plus vivement que vous ne le sentez. Adieu, ma chère Julie ; je meurs d’ennui et de tristesse : l’envie que j’ai de vous revoir ne se peut imaginer que par vous, si je suis assez heureux pour que vous en sentiez une pareille. Je vais me promener du côté par où vient l’homme qui apporte les lettres ; car j’espère qu’il m’en apportera une de vous.